La démarche Handigynéco, un parcours de soins gynécologiques dédié aux women handi !
Bonjour les girls,
J’écris mon premier article pour ParisienneJolly avec beaucoup d’enthousiasme et un peu de fébrilité parce que c’est un exercice peu habituel pour moi…et je vais essayer de ne pas être trop académique, mais en médecine difficile de ne pas l’être.
Je m’appelle Laure, je n’ai pas loin de 53 ans, deux grands enfants et un métier passion depuis plus de 25 ans : je suis sage-femme sexologue libérale et salariée dans une Maison des femmes avec d’autres casquettes comme enseignante à la fac et dans des écoles de sages-femmes et aussi vice-présidente d’un conseil départemental de l’Ordre des SF et aussi SF participant au dispositif Handigynéco…
Au sein de mon cabinet en libéral, je fais essentiellement du suivi gynécologique de prévention et mes patientes ont entre 13 et 85 ans !
Bref je ne m’ennuie pas ! Un autre de mes signes distinctifs est que je suis en situation de handicap depuis le 5 juin 2018, date à laquelle j’ai fait à 47 ans un AVC, mais mon handicap ne me caractérise pas, il m’a construite ou reconstruite, certes un peu différemment, mais encore plus vivante et entrepreneuse quel que soit le domaine ! Soignante et soignée, une particularité singulière et surtout un statut enrichissant !
Pour ce premier article, j’avais très envie de parler de consultation gynécologique : pour qui ? Pourquoi ? Comment ? Qui ? Des mots pour aider, pour comprendre et peut-être vous donner envie de consulter, qui sait ?Qui parmi nous n’a jamais entendu la phrase « tu dois aller chez le gynéco » en mode, c’est indispensable et obligatoire, et ce, dès l’adolescence ou les premiers rapports sexuels comme si notre vie en dépendait ! Alors oui, le suivi gynécologique est important, mais en conscience !
Auprès de quel soignant puis-je faire ma consultation gynéco ?
Une consultation gynéco peut se faire certes chez un/e gynéco, mais aussi chez un/e médecin généraliste ou encore une sage-femme que ce soit en libéral ou en structure comme les maisons de santé, les PMI, les plannings familiaux ou les hôpitaux. L’offre de soins est plus ou moins variée en fonction de nos lieux de résidence. J’ai bien évidemment conscience de la disparité territoriale de l’offre de soins et des problématiques que cela engendre.
Avant toute prise de RDV, il faut, en tant qu’handigirls s’informer sur l’accessibilité du lieu en fonction du handicap. Un annuaire d’accessibilité est en cours d’élaboration en France, mais comme souvent il faut du temps. Beaucoup de cabinets ne sont pas aux normes malgré la loi Handicap de 2005, notamment en raison de l’âge des bâtiments, mais les créations dans du neuf ont l’obligation de l’être. Alors comment savoir si le professionnel de santé convoité va pouvoir m’accueillir ?
Il faut se renseigner à la source : si l’on est verbal appeler le secrétariat ou directement le professionnel, si on ne l’est pas, envoyer un mail est possible. Dans les deux cas, on peut aussi se faire aider de son entourage médical habituel, qui a nécessairement un réseau et qui pourra nous aiguiller. Malheureusement, comme pour la vie de tous les jours, c’est aux personnes en situation de handicap de réfléchir au monde qui nous entoure au lieu de faire un monde adapté à toutes et tous.
Et qui aller voir, alors ? Quelles différences entre médecin et sage-femme ? Si les sages-femmes sont aussi une profession médicale elles ne peuvent prescrire certains traitements très spécifiques, mais ont les compétences pour réaliser des consultations de suivi gynécologique de prévention avec tous les dépistages (cancer du col de l’utérus, du sein), toutes les contraceptions et toutes les prescriptions d’examens complémentaires (IST, échographie, IRM…). En cas de découverte de certaines pathologies, la sage-femme doit adresser à un gynécologue. Notez bien que les sages-femmes peuvent suivre en gynéco les femmes n’ayant jamais accouché contrairement aux idées reçues !
D’autre part les sages-femmes peuvent suivre des patientes avec des pathologies chroniques en collaboration avec le/les médecins de la patiente.
Il faut savoir que les délais de rdv pour les sages-femmes sont plus courts que ceux des gynécos quelle que soit la région. Les sages-femmes sont conventionnées avec les CPAM. La consultation est actuellement à 25 euros avec parfois un dépassement d’honoraires.
Certains médecins généralistes font aussi des consultations de suivi gynécologique de prévention et adressent si nécessaire.
Quand consulter en gynécologie ?
Quand on en ressent le besoin avant 25 ans et non de façon systématique ou parce qu’on a reçu une injonction. L’examen gynécologique n’est ni nécessaire ni obligatoire avant 25 ans en dehors de plaintes ou de symptômes particuliers. On appelle cela en médecine une consultation blanche, c’est-à-dire sans examen clinique et c’est OK !
Donc avant 25 ans, une consultation gynécologique ne devrait pas être associée à un examen gynéco en routine. On peut consulter pour une contraception, une demande de dépistage des IST (infections sexuellement transmissibles) ou toute autre question sur la santé sexuelle. Si le/la praticien/ne insiste pour un examen gynéco sans votre accord ou un motif précis, il faut dire NON.
À partir de 25 ans, c’est un peu différent ! 25 ans, c’est l’âge de la réalisation du premier frottis cervico-vaginal qui permet le dépistage du cancer du col de l’utérus. 25 ans, c’est aussi le début du dépistage du cancer du sein par palpation.
Une consultation gynécologique, ça sert à quoi ?
Une consultation gynéco ça sert à dépister les cancers féminins mais, aussi les IST, ça sert à choisir une contraception si on le souhaite et la seule contraception qui est bonne pour nous est celle que l’on choisit parmi celles qui sont possibles en fonction des contre-indications éventuelles. Une consultation gynéco sert aussi à parler de santé sexuelle.
Les recommandations actuelles sont d’une consultation annuelle en dehors de toute plainte avec une palpation mammaire par un professionnel en plus de l’auto-palpation mensuelle recommandée.
Pour les frottis (réservés aux femmes ayant déjà eu une activité sexuelle), les recommandations sont : un premier à 25 ans, puis un à 26 et à 29 ans. Ensuite, on passe à 32 ans avec une recherche de papillomavirus et non plus un frottis traditionnel. Si la recherche est négative, elle sera renouvelée tous les 5 ans jusqu’à 65 ans.
La consultation gynéco sert aussi à prendre en charge les pathologies gynécologiques pour lesquelles seuls les gynécologues sont habilités à quelques exceptions près comme les IST ou l’endométriose non compliquée par exemple.
Comment se passe une consultation gynéco ?
Lors de la première le médecin ou la sage-femme va t’interroger sur toi, ton mode de vie personnel, familial, professionnel… puis il/elle va recueillir tes antécédents familiaux et médico-chirurgicaux.
Il est important aussi de mentionner si d’autres professionnels de santé te suivent ainsi que leurs coordonnées : neurologue, kinésithérapeute, endocrinologue, cardiologue, pneumologue, généticien, etc…
En tant qu’handigirl il est encore plus important ce temps du recueil de données afin que le professionnel comprenne/connaisse ton handicap, sans cela le suivi ne pourra être efficient !
Nous connaissons mieux que personne notre handicap et nos capacités, notamment motrices, à nous de les exposer, à eux/elles de les entendre.
On voit ici l’intérêt d’être prise en charge dans un cabinet adapté en particulier pour les PMR : accessibilité du cabinet, passage des portes, salle d’attente, toilettes, espace, table gynéco adaptée…
Malheureusement encore, en 2023, peu de professionnels de santé sont formés au handicap et à ses spécificités, et c’est un problème pour nous en situation de handicap. C’est un problème à la fois pour le suivi, pour les propositions thérapeutiques, mais souvent aussi pour la relation humaine !
Le handicap fait peur un peu comme toutes les choses inconnues de la vie… mettons les pieds dans le plat et rassurons les soignants, nous sommes juste extraordinaires !
Après le blabla vient le temps de l’examen ou pas donc en fonction de l’âge, des examens à réaliser, de l’activité sexuelle et surtout du désir de la patiente, c’est-à-dire avec ton CONSENTEMENT.
Si ce jour-là tu ne souhaites pas être examinée, il faut arriver à l’exprimer, le professionnel n’a pas à s’y opposer… il le notera dans le dossier.
Si examen il y a…
Pour ma part, je ne fais jamais déshabiller entièrement mes patientes cela n’a aucun intérêt si ce n’est celui de gagner du temps… on commence par enlever le bas donc et il va falloir s’installer sur la table. Je pense qu’il ne faut pas hésiter à demander de l’aide si besoin pour le transfert. D’ailleurs je ne l’ai pas précisé, mais un aidant de ton choix peut t’accompagner si tu le souhaites.
L’installation sur la table d’examen n’est pas toujours chose aisée quand on est en situation de handicap, mais là encore, c’est au professionnel de s’adapter, si être dans des étriers n’est pas possible on peut laisser la table allongée.
L’examen comprend souvent un examen clinique général, c’est-à-dire juste une observation visuelle, une prise de tension artérielle est recommandée, mais pas obligatoire. Ensuite, le pro va palper le ventre pour juger de sa souplesse et d’une éventuelle douleur à l’examen.
Puis vient le temps de l’examen gynécologique à proprement parlé ! À quoi ça sert ? Que regarde-t-on ?
L’examen commence par un examen minutieux de la vulve, rien qu’un contrôle visuel peut nous apporter beaucoup d’informations en fonction de sa couleur, de la présence ou non de poils, d’éventuelles pertes et de leur couleur ou leur odeur et puis aussi on peut voir parfois des anomalies anatomiques (rarement !) etc etc…
Ensuite et toujours en demandant le consentement de la patiente, on réalise un examen du col de l’utérus grâce à la mise en place du spéculum, objet souvent redouté par les femmes ! Pas de panique, il en existe de différentes tailles et l’on choisit le plus adapté à chaque fois ! Je vous mets des photos de deux tailles. Évidemment, il est lubrifié avant l’introduction, qui se doit d’être douce et progressive.
Arrivé au fond du vagin, on va l’ouvrir pour visualiser le col et si nécessaire réaliser un prélèvement pour le frottis. Pour ce faire, on utilise une brossette : si ce n’est pas à priori le meilleur moment de sa vie, ce n’est pas à proprement parler douloureux ! Il est important d’être le plus détendue possible lors de ce geste en relâchant bien les muscles de cette zone (le périnée) si cela nous est possible.
Mais si l’on n’a pas besoin de frottis, pourquoi mettre un spéculum ? Pour voir le col, mais ce n’est pas une obligation si la patiente ne se plaint de rien !
À chaque étape de cet examen, on peut dire stop ! Le pro n’a pas à forcer pour introduire le spéculum…Consentement toujours requis !
Une fois l’examen au spéculum réalisé, place au toucher vaginal (TV) qui va permettre d’apprécier la taille du col, son emplacement, sa tonicité et surtout de mobiliser utérus et ovaires à la recherche d’une douleur provoquée qui peut orienter vers certaines pathologies. Le TV est réalisé traditionnellement à deux doigts, mais un seul peut suffire ! Une fois nos doigts retirés on apprécie la couleur, la consistance et même l’odeur des pertes appelées leucorrhées.
Voilà le plus désagréable est fait, désagréable ne veut pas dire douloureux !
Ensuite on peut passer à l’examen des seins, première étape du dépistage du cancer du sein, et ce, à partir de 25 ans.
Une fois le bas remis on retire le haut pour permettre la palpation complète et minutieuse des seins jusqu’aux clavicules ainsi qu’au niveau des aisselles.
Que cherche-t-on ? Une rougeur, un écoulement mamelonnaire, une rétractation du mamelon, une masse, un ganglion…
Les recommandations sont une autopalpation mensuelle plutôt première quinzaine du cycle, une palpation annuelle par un/e professionnel/le et le dépistage organisé à partir de 50 ans et jusqu’à 74 par mammographie (et échographie). En présence de facteurs de risque personnels et/ou familiaux, le dépistage par imagerie commence plus tôt, mais c’est du cas par cas.
Et le reste ?
Cette consultation est l’occasion de se mettre à jour du dépistage des infections sexuellement transmissibles qui est recommandé au moins une fois entre 15 et 25 ans si on a une activité sexuelle et en cas de changement de partenaire ou de multi-partenariat.
Mais aussi de s’informer sur les différentes méthodes de contraception et si besoin d’en choisir une en fonction de notre âge, nos contre-indications et notre choix !
Enfin, la consultation gynécologique devrait aborder la santé sexuelle des patientes. J’écris « devrait », car cette partie de la santé est encore peu abordée…
On l’a vu pour être complète, une consultation gynéco prend du temps que de nombreux/ses praticiens/nnes n’ont pas nécessairement d’autant que quelle que soit la durée, la facturation est la même ; c’est pourquoi elle est parfois découpée en deux rdvs !
Conclusion
Une consultation gynéco oui, mais une consultation gynéco en conscience et pas seulement par injonction sociétale, familiale ou médicale ! Tu as aujourd’hui tous les éléments pour choisir auprès de qui la réaliser, quand et surtout ce que tu peux/veux pour toi en partenariat avec ton soignant/e.
Cette consultation doit toujours être réalisée dans la bienveillance, le respect et en recueillant à toutes les étapes ton consentement. N’hésite pas à poser des questions, à être active dans ta prise en charge !
Tu dois te sentir libre de changer de praticien/ne s’il/elle ne te convient pas.
Ecrit par: Laure