Hello les filles,

L’intimité et la sexualité des women handi sont les deux principaux sujets que l’on aborde, en toute décontraction, depuis la création du média digital ParisienneJolly, car il nous semble important que chaque femme handi puisse avoir des informations liées au handicap !

Certaines personnes ont tendance à penser que les femmes ayant un handicap assez important n’ont absolument aucune relation sexuelle ! Qu’en pensez-vous les filles ?

La sexualité n’est pas réservée qu’aux femmes « valides » loin de là, chaque nana a bien évidemment le droit d’avoir accès à une vie sexuelle, des fantasmes, des désirs, prendre du plaisir en couple ou en mode solo…L’important n’est pas de faire toutes les positions du Kâmasûtra, mais que chacune jouisse comme elle le souhaite, sans oublier sa petite particularité !

Notre société est encore à des années-lumière d’associer sexualité & handicap, car l’image de la « pauvre petite handi » est bien ancrée dans les mentalités ! Heureusement, nous avons la chance d’avoir des femmes travaillant dans le but de faire bouger les choses, comme Laetitia Rebord.

Cette business woman de 42 ans, habitant dans le Haut-Rhin près de Mulhouse, est une femme cis hétéro, mariée depuis près de deux ans et accessoirement, atteinte d’une maladie neuromusculaire de naissance, l’amyotrophie spinale, qui la paralyse quasi entièrement, mais qui ne lui retire aucune sensibilité physique. Elle est traductrice pour une multinationale qui fabrique des systèmes de pompage depuis maintenant plus de 17 ans. Depuis 2021, Laetitia a créé son entreprise et elle est aujourd’hui en complément de son autre activité, pair-aidante professionnelle, conférencière, formatrice et coach en santé sexuelle.

 

Nous trouvons son travail tellement passionnant, avec un franc-parler que ParisienneJolly adore et c’est pour ces raisons que nous l’avons interviewée. Sans plus attendre vous allez connaître une nana qui n’a pas froid aux yeux, disant ce qu’elle pense haut et fort sur la sexualité des femmes handi !

 

 

Laetitia en toute intimité !

 

 

 

 

 


1/ Peux-tu nous dire quelques mots sur ton parcours d’étudiante ?

J’ai fait mes études de langues étrangères appliquées sur le campus de Grenoble de 2000 à 2007 et j’ai obtenu un Master 2 en traduction multilingue anglais et italien spécialités technique et juridique. J’ai toujours été très intéressée par les langues et la linguistique en général. Par ailleurs, j’avais également anticipé le fait que cela allait pouvoir m’ouvrir des portes professionnelles sur un métier parfaitement faisable sur informatique, point indispensable à ma situation de handicap moteur. J’exerce à mi-temps en télétravail dans une entreprise dont le siège est basé au Danemark. Cette société avait déjà l’habitude bien avant le Covid d’embaucher des personnes qui exerçaient leur métier à distance. L’adaptation a donc été relativement simple pour la filière française.

 

2/ En quoi consiste le métier de pair-aidante en santé sexuelle ?

La pair-aidance consiste à apporter à ses pairEs (personnes en situation de handicap) ses propres savoirs d’expérience pour les accompagner dans certaines difficultés que le/la pair-aidantE a connu par sa situation similaire.

La pair-aidance a commencé à se développer principalement en santé mentale puis s’est développée dans les pays anglo-saxons sur d’autres types de problématiques. J’ai choisi de me spécialiser dans l’accompagnement en santé sexuelle, car c’est un domaine encore trop monopolisé par des personnes non directement concernées. Je voulais que ça change et je me sens capable de parler de mon vécu sur ce sujet intime et parfois délicat. Les pair-aidantEs en santé sexuelle sont encore très peu nombreux.ses car il n’est pas toujours aisé de mettre une partie de soi à nu pour aider les autres. À l’avenir, je souhaite former de futurEs pair-aidantEs car je pense que nous sommes indispensables à une véritable reconnaissance des libertés sexuelles des personnes en situation de handicap et pour faire progresser l’ensemble de la société, notre parole est légitime et doit être valorisée.

 

3/ Depuis combien de temps es-tu en couple ?

Je suis en couple depuis plus de 7 ans. Mon mari actuel est la seule relation amoureuse que j’ai connue jusqu’à maintenant.

4/ Dans ton couple comment arrives-tu à lier féminité, sensualité et handicap ?

Depuis que je suis en couple, j’ai déconstruit les mythes de la féminité que mes propres parents et la société en général m’avaient inculqués. Je m’aperçois que je peux plaire, même sans avoir une grosse poitrine, ni un corps correspondant aux diktats de la beauté et sans répondre nécessairement aux injonctions patriarcales, comme l’obligation de s’épiler par exemple. Comme toute personne handicapée dans une société validiste, l’estime de moi-même restera toujours assez fragile, mais elle est beaucoup remontée depuis que je me sens aimée et désirée par mon mari. Si j’ai envie de correspondre à ce que la société entend comme féminin, c’est moi qui le décide, et ce n’est pas quelqu’unE qui me le demande.

Ma sensualité s’est développée avec la découverte de la sexualité, il y a moins de 10 ans.

Ma féminité s’exprime dans le care, mais le care invisible, et c’est peut-être ce qui est le plus difficile à vivre. Je m’occupe de mon mari de tellement de manières, mais pas forcément celles que l’on attend de moi, en tant que femme, et j’y perd donc de la valeur aux yeux du commun des mortels ancré dans des rôles de genre. Évidemment, je ne peux pas faire le ménage, ni la cuisine. Je sens encore tellement d’interrogations face au bonheur que peut exprimer mon mari de vivre avec moi. Encore beaucoup pense que c’est impossible de partager la vie d’une femme en situation de handicap sans être malheureux.se. Mais comme me dit mon mari, détachons-nous de cette vision et vivons pour nous.

5/ À quoi tu penses lorsque tu entends cette phrase « Tu es tellement super, j’aimerais être ton ami pour longtemps… » ?

C’était quand je faisais de nombreuses rencontres qui n’aboutissaient à rien. C’était encore quand l’estime de moi-même était à son plus bas niveau. Je pense que certains hommes que j’ai rencontrés n’ont pas réussi à passer au-delà de la barrière du handicap, eux-mêmes bloqués par des schémas validistes. Ce qui a aidé mon mari, c’est qu’il a été auxiliaire de vie d’un homme ayant la même maladie que moi, qui lui-même était marié. Il s’est rendu compte à ce moment-là que c’était tout à fait possible. Avant cela, il ne m’aurait probablement pas vu.

6/ Tu as bénéficié d’un service d’accompagnement sexuel, que dirais-tu à une woman handi hésitante à faire appel à ce genre de service ?

Je lui dirai surtout ne cherche pas à faire appel à unE accompagnantE sexuelLE uniquement pour correspondre à ce que la société attend de toi. Mais fais-le pour toi. Je lui dirai aussi qu’il faut qu’elle se prépare à ce que par la suite, il y ait une retombée des effets positifs par la réalisation et la conscientisation qu’elle a dû faire appel à un service sexuel rémunéré pour connaître la sexualité. Même si je suis tout à fait pour et que je pense que tous les travailleurs et travailleuses du sexe ont un rôle éminemment important dans notre société, il faut faire attention aux effets négatifs avec le recul. Je pense que j’ai fait appel à un accompagnant quand j’étais vraiment prête à m’attacher et à me détacher extrêmement rapidement. C’est pour cela que ce n’est pas avant l’âge de 33 ans que je me suis décidée. En plus, soyons honnêtes, il y a très peu d’accompagnants sexuels hommes formés en France, et j’avais besoin de trouver quelqu’un pour qui j’avais une attirance sexuelle certaine.

Je lui dirai aussi, si tu te sens prête, fonce, éclate-toi, et sois fière d’avoir pris ton pied, même en tant que femme, assume tes désirs. Enfin, je lui conseillerais d’essayer d’augmenter l’estime d’elle-même, afin d’améliorer son rapport aux autres pour faire de meilleures rencontres, et pour se donner la possibilité de connaître la sexualité autrement que par ce biais-là.

 

7/ Si tu avais un message à faire passer à Mr Macron sur la sexualité des femmes en situation de handicap lequel serait-il ?

À Macron, je ne dirai plus rien, c’est peine perdue. La situation des femmes n’est déjà pas sa priorité. Alors nous n’allons pas en attendre davantage sur celle des femmes en situation de handicap. Aux politiques en général, je dirais, permettez-nous de vivre cette sexualité. Rendez enfin obligatoire et universelle l’accessibilité. L’accessibilité de l’ensemble des bâtiments, qu’il s’agisse de structures administratives, et de lieu de loisirs et de vie commune et citoyenne. Permettez-nous d’avoir accès à un accompagnement humain pour sortir de chez nous et nous socialiser. Ce n’est que comme ça que nous pourrons faire des rencontres. Fermez toutes les institutions qui ne font que tenir les personnes handicapées à l’écart de la société pour ne pas trop les voir au milieu de tous. Allez au-delà de la circulaire non-opposable pour la reconnaissance de la vie affective sexuelle des personnes handicapées dans les établissements médico-sociaux, rendez les actions obligatoires et permettez aux personnes d’avoir des lits doubles plutôt que d’organiser d’éternels groupes de parole, sans leur donner véritablement le pouvoir de vivre leur sexualité.

 

8/ Quel est ton opinion sur le validisme ?

Les luttes antivalidistes font désormais partie de mon quotidien depuis que je suis membre active militante du collectif handiféministe Les Dévalideuses depuis 2020.

Le validisme m’entoure depuis que je suis née. J’avais intériorisé cette oppression sans m’en rendre compte et le réveil a été brutal. En effet, il est difficile de s’apercevoir que nous souffrons bien à cause d’une oppression systémique que la société nous impose et que notre propre famille a appliquée sur nous, plus ou moins inconsciemment.

Le plus difficile, c’est de faire réaliser aux gens qu’iels ont été formatéEs, comme pour d’autres oppressions, tels que le sexisme ou le racisme par exemple, pour perpétuer cette oppression. Au sein du collectif, nous faisons beaucoup de pédagogie pour que le validisme soit enfin connu du grand public, car rien ne peut changer si l’on ne conscientise pas l’existence d’un tel système oppressif et discriminant auquel tout le monde participe.

Sexpair

 

 

1/ Que signifie le nom de ton site « Sexpair » ?

C’est un jeu de mots entre sexe, pair et expert.

2/ Dans quels objectifs as-tu créé Sexpair ?

L’objectif premier de mon métier est d’aider mes pairEs (les personnes en situation de handicap) à accéder à une vie affective et sexuelle la plus épanouie possible.

3/ Quelles interventions proposes-tu ?

Pour cela, ma profession se divise en plusieurs activités qui s’adressent aux personnes directement concernées en premier lieu, aux parents et à la famille proche aidante, et enfin aux professionnelLEs du médico-social.

Je suis formatrice pour les professionnelLEs de l’accompagnement médico-social en institution ou à domicile, je donne des conférences sur différents thèmes autour du handicap et de la sexualité, de l’autodétermination et de la pair-aidance en santé sexuelle.

J’anime également des groupes d’expression en établissement ou en ligne sur la vie intime, affective et sexuelle.

Je suis également coach pour les personnes en situation de handicap sur différents sujets : sexualité, autonomie, autodétermination, vie étudiante et professionnelle.

 

4/ Ton slogan est « La santé sexuelle ne doit oublier personne », à ton avis, qu’est-ce notre société devrait mettre en place pour que la sexualité et le handicap ne soient plus extrêmement tabous ?

Pour moi, la sexualité et le handicap ne sont plus tabous. Au contraire, on en parle beaucoup et peut-être même un peu trop à la place des personnes directement concernées. Ce qui est plus flagrant, c’est que l’ensemble de la société a du mal à imaginer avoir elle-même des relations avec des personnes en situation de handicap. Les gens imaginent pour se rassurer que nous vivons cette sexualité uniquement entre personnes handicapées. D’où le piège de l’accompagnement sexuel que l’on va proposer quasiment systématiquement pour écarter la responsabilité de chacunE à accepter chaque individu et ses particularités dans toutes ses dimensions au sein de la société.

5/ Tu es également pour l’Empowerment, peux-tu nous en dire davantage ?

On pourrait traduire ce terme anglais par encapacitation ou empouvoirement. Plus généralement, il s’agit de donner la capacité d’agir et de reprendre du pouvoir sur sa propre vie. Cela rejoint le slogan antivalidiste Rien Sur Nous Sans Nous qui souligne que tout ce qui nous concerne doit être décidé et géré par nous-mêmes, les personnes directement concernées, au risque de faire diminuer les privilèges dont les soignantEs/professionnelLEs accompagnantEs valides ont pris l’habitude de profiter plus ou moins inconsciemment.

Pour les personnes en situation de handicap, il s’agit de développer leurs capacités d’autodétermination, même avec un handicap mental, il y a des stratégies à mettre en place.

 

6/ Tu organises des groupes de parole sur la vie amoureuse et la sexualité, ils sont ouverts à quel genre de public ?

Je divise mes groupes de parole par types de handicap principalement et par genre parfois. En effet, les problématiques peuvent être légèrement différentes et la parole peut-être davantage libérée en divisant plutôt qu’en souhaitant englober tout le monde.

En institution, le plus difficile est d’arriver à animer des groupes de parole sans la supervision des professionnelLEs, qui ont tendance à vouloir garder le contrôle. Ensuite, l’autre difficulté est de faire comprendre au personnel encadrant que de tels groupes destinés justement à libérer la parole va forcément faire émerger des questionnements qui peuvent déséquilibrer le confort des professionnelLEs. Mais c’est là toute l’utilité d’ouvrir l’expression, car libérer la parole, c’est libérer la pensée.

 

7/ Nous avons adoré ta vidéo « La vie sexuelle inattendue d’une étoile de mer ». Quels ont été les retours que tu as pu avoir ?

Dans l’ensemble, cette vidéo a la force de parler aussi bien à des personnes en situation de handicap qu’à n’importe qui, car le sujet est relativement universel. Elle date de cinq ans, mais elle reste pour moi un outil extrêmement utile pour faire passer mon message et travailler avec mes pairEs également.

Soyons cash !

 

 

 

 

1 / Tu es en couple depuis quelques années ; comment as-tu rencontré ton compagnon ?


J’ai rencontré mon mari dans le milieu associatif lorsque j’étais vice-présidente de l’APPAS (Association pour la Promotion de l’Accompagnement Sexuel). Il était non seulement auxiliaire de vie du président, mais il avait aussi suivi la formation pour être accompagnant sexuel. J’étais venue à l’une des formations organisées par l’APPAS pour parler de mon expérience avec un accompagnant sexuel. C’est comme cela que nous nous sommes rencontrés et que nous avons commencé à échanger.

 

2/ Qu’as-tu envie de répondre à ce médecin du travail qui t’avait dit « Célibataire, je suppose » ?

Il n’y a pas plus validistes que les médecins. Je suis pour leur formation par des personnes directement concernées au sein de leur cursus universitaire pour leur faire prendre conscience du validisme et du paternalisme maltraitants de la médecine. J’espère que les nouvelles générations de soignantEs commenceront à évoluer.

 

3/ Ton chéri t’a aidé à avoir une vie sexuelle épanouissante. Comment avez-vous réussi à faire passer le handicap en second plan ?

Mon handicap, même s’il ne me définit pas, fait partie de mon identité et nous construisons avec nos particularités à chacunE. Il est également en situation de handicap cognitif, il a TDAH.

Pour la sexualité, nous rencontrons les mêmes problématiques que tous les couples qui commencent à avoir plusieurs années dans les ailes, mais notre force vient certainement de la communication que nous avons dû mettre en place dès le départ.

4/ Tu as perdu ta virginité tardivement, qu’as-tu ressenti pour cette première fois avec l’homme de ta vie ?

C’était à nouveau ce qu’on m’avait ancré dans le cerveau à l’époque. Que je ne serai pas une femme tant que je n’aurais pas été pénétrée. Je m’éloigne progressivement de la sexualité pénétrocentrée et j’accorde beaucoup moins d’importance aujourd’hui à la sexualité normative. Il y a tellement de choses à explorer si l’on sort du schéma hétérocentré.

 

5/ Qu’as-tu envie de dire aux personnes valides croyant que les femmes en situation de handicap n’ont pas de vie sexuelle ?

Je leur dirai que mon mari a déclaré que j’étais son meilleur coup !

 

6/ As-tu des frustrations sexuelles liées à ta petite particularité en plus ?

Évidemment, j’en ai énormément. Probablement bien plus même que mon mari. L’impossibilité d’initiative physique pour montrer mon désir sans la parole reste toujours un point de tristesse pour moi. Cependant, j’essaye de m’exprimer autrement.

 

7/ Ton handicap est-il un atout dans ta vie intime et sexuelle ?

Pour revenir à la communication, je pense que mon handicap a imposé dès le départ à la développer profondément et c’est ce qui cimente généralement un couple. Sous cet aspect-là, oui, je pense que mon handicap a été un atout. Cela ne veut pas dire que c’est toujours simple de la maintenir de façon fluide, mais que c’est un travail constant que le handicap rend davantage possible.

 

Pour finir cette interview, as-tu quelque chose à dire aux lectrices de ParisienneJolly ?

Sortez des injonctions, prenez conscience de votre valeur même si la société continuera de vous dire le contraire. Soyez visibles, continuez à faire des rencontres, car la personne qui vous correspondra ne viendra pas toute seule frapper à votre porte.

Merci à Laetitia de s’être confiée sur notre média, ce petit bout de femme au caractère bien trempé nous montre que le handicap et la sexualité sont totalement compatibles !

Vous pouvez la suivre sur les liens ci-dessous :

Nous finirons cet article avec un des slogans de Laetitia « La santé sexuelle ne doit oublier personne ! »

Prenez soin de vous, les filles et n’oubliez pas, nous avons toutes le droit de goûter au plaisir sexuel !

Article écrit par : Sandrine Ciron

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